SPLENDEURS DE L’AMOUR
Paris • New York • Oxford • Madrid Magnificat PIERRE-MARIE VARENNES Je tiens à remercier plus particulièrement : Gabrielle Charaudeau et Lou Trullard qui ont remarquablement porté lʼédition de cet ouvrage ; Romain Lizé pour ses propositions de révisions toujours bienvenues et souvent nécessaires ; Anne-Lise Girard pour sa révision experte de tout ce qui concerne le grec biblique ; Marie-Laure Martin Saint-Léon et David Gabillet pour leur relecture critique ; Isabelle Mascaras pour l’intelligence avec le texte de ses recherches iconographiques ; Gauthier Delauné pour sa maquette ; Mathilde Corre pour la couverture ; Jean de Saint-Cheron pour son regard sur les Nymphéas de Claude Monet ; Stéphane Arthur pour ses recherches de poèmes. SPLENDEURS DE L’AMOUR Direction : Romain Lizé Direction éditoriale : David Gabillet Édition : Gabrielle Charaudeau Assistante d'édition : Lou Trullard Conception graphique de la couverture : Mathilde Corre Conception et réalisation graphique de l'intérieur : Gauthier Delauné Iconographie : Isabelle Mascaras Relecture : Le Champ rond Fabrication : Thierry Dubus et Julia Mirenda Photogravure : Les Caméléons © Magnificat S.A.S., 2025, pour l’ensemble de l’ouvrage. 57, rue Gaston Tessier, 75019 Paris. www.magnificat.fr Tous droits réservés pour tous pays. Première édition : octobre 2025 Dépôt légal : octobre 2025 ISBN : 978-2-3840-4031-5 Code MDS : MT40315 Notules • On trouvera page 202 un commentaire du vitrail de Chagall dont l’esquisse est reproduite page 22. • Les notes du texte sont regroupées page 204, en fin de volume. • Les légendes et crédits iconographiques se trouvent aussi en fin de volume, page 206. • Tous les Nymphéas de Monet proviennent du musée de l’Orangerie. • Les citations de l’Écriture sont données le plus souvent dans une traduction propre à l’auteur et, à défaut, dans la Traduction de la liturgie (AELF). • Pour une meilleure lecture de cet ouvrage, les coupes dans les textes cités ne sont pas indiquées.
« Dans la vie, comme sur la palette de l’artiste, il n’y a qu’une seule couleur qui donne un sens à la vie et à l’art – la couleur de l’amour. » Marc Chagall (1887 -1985) « Je reviendrai sur la terre pour faire aimer l’amour. » Dernières paroles de Thérèse de Lisieux Préface.............................................................................................................................................................................................................. 6 I - LA VOIE PAR EXCELLENCE, C’EST L’AMOUR. ....................... 8 1 — Paul de Tarse, l’auteur de l’hymne à l’Amour.............................................................................10 2 — La première lettre aux Corinthiens, écrin de l’hymne à l’Amour...................16 3 — Aimer, oui… Mais de quel amour ?. .......................................................................................................22 4 — Vivre à l’imitation de Jésus Christ, oui, mais jusqu’où ?...........................................26 5 — Le portrait vivant de Jésus de Nazareth, en actes et en vérité. .........................30 II - AVOIR OU NE PAS AVOIR L’AMOUR.............................................34 Si je n’ai pas l’Amour, je ne suis rien…...............................................................................................................36 III - AIMER PAR DES ACTES ET EN VÉRITÉ.................................42 1 — L’Amour donne du temps au temps..........................................................................................................44 2 — L’Amour chérit avec prévenance et aménité................................................................................ 54 3 — L’Amour ne jalouse pas.............................................................................................................................................66 4 — L’Amour ne se vante pas, ni ne se gonfle..........................................................................................82 5 — L’Amour ne se comporte pas de manière inconvenante............................................... 94 6 — L’Amour ne recherche pas son propre intérêt. ....................................................................... 106 7 — L’Amour ne s’emporte pas, ni ne se vexe........................................................................................116 8 — L’Amour n’impute pas le mal, ni ne le retient. ........................................................................128 9 — L’Amour ne se complaît pas dans l’iniquité, mais il trouve sa joie dans la fidélité. ..................................................................................................... 146 10 — L’Amour assume tout, croit tout, espère tout, endure tout. ...............................164 11 — L’Amour jamais ne déçoit, ni ne décline. .................................................................................... 180 Épilogue...................................................................................................................................................................................................198 Trois peintres pour dire cet amour qui nous enlève.....................................................................200 Annexes....................................................................................................................................................................................................202 Notes............................................................................................................................................................................................................204 Légendes et crédits iconographiques................................................................................................................206 Sommaire
Préface Sʼattaquer à l’Everest qu’est le chapitre 13 de la première lettre de saint Paul aux Corinthiens n’est pas donné à tout le monde. Thérèse de Lisieux, lorsqu’elle glosa le passage et en fit voir, en plus de la force incandescente, les vertus consolantes, révéla à une époque qui l’avait oublié – jusque dans bien des paroisses – que l’essentiel n’était ni dans la morale, ni dans les rites, ni dans aucune de nos actions ou règles humaines, mais dans l’unique origine de tout bien : l’amour. Car notre créateur est amour, et c’est comme lui qu’il nous appelle à vivre. Là est l’unique voie possible du bonheur. L’Amour nous a créés par amour et pour l’amour : il ne connaît rien d’autre. Telle est notre condition. Hélas l’homme seul, alourdi par le péché, est incapable d’un tel amour. Il en ignore les dimensions, puisque contrairement à l’intelligence humaine, l’amour est sans limites. D’où la nécessité pour saint Paul, à la fin du chapitre 12 et tout au long du chapitre 13 de la première lettre aux Corinthiens, d’en chanter les louanges, dans un chef-d’œuvre de théologie, de poésie et de pragmatisme que la tradition a retenu sous le nom « hymne à l’Amour ». Cet amour qu’il convient de chanter, c’est bien l’agapè, la charité, l’amour de Dieu, l’amour qu’est Dieu – Dieu lui-même. Les versets de saint Paul, ainsi, forment un « portrait de Jésus », selon le mot de Pierre-Marie Varennes. Et cet Amour surnaturel, auquel l’auteur met une majuscule pour le distinguer non seulement de nos sentiments éphémères mais aussi de nos actes toujours imparfaits, est bel et bien – c’est là qu’est l’abyssal enjeu de la vie chrétienne – notre unique horizon et notre seule espérance. Mais il est aussi notre force dès ici-bas, dans la mesure où la grâce nous est donnée par l’Amour en personne dans l’unique but d’aimer. La grâce n’annulant toutefois pas la nature, c’est à travers notre imparfaite liberté et nos actes bancals que, peu à peu, se déploiera dans notre vie, si nous le décidons, la vie même du Christ. Vie de l’amour trinitaire en notre humanité. « Car l’Amour a un visage », note Pierre-Marie Varennes en une puissante formule. Voici le cœur de la vie chrétienne. Voici le christianisme. Et c’est bien ce que l’auteur s’attache à redire dans ce livre dont le mode d’expression premier n’est certes pas le discours moral, mais la beauté. Car la voie de la beauté est aussi celle de l’amour. La beauté attire à l’amour et, par une mécanique extraordinaire, y maintient celui qui aime : plus l’on voit la beauté de l’autre, plus on l’aime ; plus on l’aime, plus l’on voit sa beauté. D’où la place laissée, dans les pages qui suivent, conformément à ce qui fait l’identité profonde de Magnificat, à l’art. La grande création artistique, en effet, les œuvres permises par la grâce du génie déployée dans le travail de l’homme, parlent de Dieu et de l’Amour selon un langage quasi-transcendant, auquel il est bon de livrer son esprit et ses sens humains, à la frontière de l’ineffable. C’est de cela que nous parlent Monet et Chagall aussi bien que les artistes du Moyen Âge. L’une des particularités les plus marquantes du livre de Pierre-Marie Varennes, enfin, outre son magnifique et novateur commentaire de l’hymne à l’Amour, verset par verset, pour en révéler le suc, c’est-à-dire les significations méconnues et les implications concrètes, est à discerner dans la place faite à l’amour humain dans sa réalité conjugale. Si l’hymne à l’Amour est la « magna carta de la civilisation de l’amour » (Jean-Paul II), l’auteur suggère ici combien elle est a fortiori celle de tout mariage chrétien, où le commandement de l’amour est appelé à se déployer dans l’humilité du quotidien ainsi que dans les grandes choses, pour s’épanouir sans cesse, malgré les épreuves et la fatigue du temps, à l’intime de l’intime de deux êtres. Et c’est ainsi que Splendeurs de l’amour se veut aussi, selon les mots de son auteur, « un éclairage particulier qui mette en lumière la manière spécifique par laquelle les chrétiens unis par le mariage sont appelés à parcourir, ensemble, “la voie par excellence” (saint Paul) qui est celle de l’Amour ». Son texte est encore, entre bien d’autres choses, une vigoureuse invitation à nous convertir, c’est-à-dire à nous aimer entre frères humains. Sur ce point, il ne faut jamais désespérer, car « tout est possible à l’Amour toutpuissant qu’est Dieu ». Ainsi seulement serons-nous d’authentiques chrétiens, ainsi seulement annoncerons-nous la vie et le bonheur de façon crédible. Ainsi seulement, comme Jésus nous l’a enseigné, parlera-t-on de l’Amour au monde. Jean de Saint-Cheron
9 L’Apôtre explique comment tous les dons les plus parfaits ne sont rien sans l’amour… enfin j’avais trouvé le repos… je compris que l’amour renfermait toutes les vocations, que l’amour était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux… en un mot, qu’il est éternel ! Thérèse de Lisieux PREMIÈRE PARTIE LA VOIE PAR EXCELLENCE, C’EST L’AMOUR
Chapitre 1 Paul de Tarse, l’auteur de l’hymne à l’Amour Paul1 est né au tout début de notre ère, cinq à dix ans après Jésus de Nazareth, à Tarse la capitale de la province romaine de Cilicie (aujourd’hui sur les rives méditerranéennes de la Turquie), un haut lieu de la civilisation hellénistique. En Judée, Hérode le Grand vient de mourir. À Rome, Auguste est encore empereur pour quelques années. Le père de Paul est un Juif pharisien zélé, probablement un notable. Tisserand aisé ayant acquis la citoyenneté romaine, il a transmis à son fils, avec l’attachement à la fidèle observance de la Torah, une certaine estime pour la civilisation romaine (voir Rm 13, 1-7). Paul a appris à parler couramment le grec, l’hébreu et l’araméen, et sans doute le latin. Ses lettres, aussi dénommées « épîtres », seront pensées et écrites (ou plus exactement dictées) dans un grec2 de bonne facture. Son nom sémite est Saül. Plus tard, il adoptera aussi le nom romain Paulus, Paul. Saül persécuteur Vers 20-25 ans, non loin des dates présumées de la vie publique de Jésus, Saül part à Jérusalem se mettre à l’école du pharisien Gamaliel, un des maîtres les plus réputés de l’époque. Il est initié par lui aux méthodes d’expression et d’interprétation de l’Écriture, et devient lui-même un notable pharisien. Quelques années après la crucifixion de Jésus et la Pentecôte (qui ont pu avoir lieu en 30 ou en 33), la prédication des apôtres s’étant développée avec un succès certain, Saül se radicalise et, contrairement à son maître Gamaliel (Ac 5, 34-39), il devient un persécuteur acharné des premiers chrétiens.
35 La vocation ma vocation ? enfin je l’ai trouvée ! ma vocation, c’est l’amour ! Thérèse de Lisieux DEUXIÈME PARTIE AVOIR OU NE PAS AVOIR L’AMOUR
L’AMOUR, SUIS RIEN… L’hymne à l’Amour, au chapitre 13 de la première lettre aux Corinthiens, commence par trois versets où saint Paul se met lui-même en scène, au risque de l’Amour: Verset 1 Dans une traduction plutôt littérale : Si je parle les langues des hommes, et même des anges, mais que je n’ai pas l’Amour, je deviens un bronze qui sonnaille, une cymbale retentissante. Proposition d’un équivalent de sens pour aujourd’hui : À l’instar des apôtres et de leurs successeurs depuis la Pentecôte, j’ai beau parler toutes les langues pour annoncer l’Évangile au monde entier12, eh bien, si je n’ai pas l’Amour, je ne suis qu’un vain bruit. Verset 2 Dans une traduction plutôt littérale : Et si j’ai le don de prophétie et sais tous les mystères et toute la connaissance, et si j’ai la plénitude de la foi, au point de déplacer les montagnes, mais que je n’ai pas l’Amour, je ne suis rien. Proposition d’un équivalent de sens pour aujourd’hui : J’ai beau parler au nom du Seigneur, être un théologien hors pair, et même le plus éminent des docteurs de l’Église, et j’ai beau avoir une foi à transporter les montagnes, eh bien, si je n’ai pas l’Amour je ne suis rien ! Verset 3 Dans une traduction plutôt littérale : Et si je partage tous mes biens en nourriture ; et si je livre mon corps au feu, mais que je n’ai pas l’Amour : je n’en retire rien. JE N’AI PAS Si je ne Proposition d’un équivalent de sens pour aujourd’hui : Et si je distribue tous mes biens aux affamés ; et si je livre ma vie en martyr, mais que je n’ai pas l’Amour, eh bien, je n’en retire rien en vue du Jugement 13. Le plus radical témoignage de charité Aux versets 1 et 2, saint Paul dit ce qu’il fait (à la première personne du singulier du subjonctif présent) : c’est la vérité (à peine idéalisée) de sa vie, une vie consacrée à accomplir sa vocation d’apôtre, et ce, en mettant en pratique les enseignements de Jésus, et en répondant fidèlement à ses préceptes. Au verset 3, cependant, saint Paul dit ce qu’il va très probablement être amené à faire, en tout cas ce qu’il est décidé à faire dans l’avenir (à la première personne du singulier du subjonctif aoriste) : il se place alors dans la perspective où il va terminer sa course et réaliser, avant sa mort et en sa mort, deux conditions qui vont exiger de lui la plus admirable héroïcité des vertus : donner tous ses biens aux pauvres et mourir martyr. Ce faisant, il se réfère aux critères du Jugement dernier (voir Mt 25, 31-40)14 pour conclure : « si je n’ai pas l’Amour, je n’en retire rien ! » : quand bien même j’aurais donné le plus radical témoignage de charité, et le plus sublime témoignage de foi, je demeure au risque d’être réprouvé quand je serai jugé sur l’Amour, s’il me manque l’Amour. En défiant ainsi la logique, à dessein, saint Paul entend nous interpeller, redoutablement. Car force est de constater que tout ce qu’il nous dit de faire, comme tout ce qu’il nous dit avoir la ferme intention de faire, ne peut être motivé, au moins pour la plus grande part, que par l’amour de Dieu et du prochain. Et pourtant, il nous dit très clairement qu’il pourrait parfaitement le faire, et n’avoir pas l’Amour. Ces trois premiers versets du chapitre 13 peuvent donc facilement être entendus à faux-sens, voire à contre-sens. « Voici comment l’Amour atteint en nous sa perfection : que nous ayons pleine assurance le jour du Jugement. » (1 Jn 4, 17) 36 Partie II - Avoir ou ne pas avoir l’Amour Si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien... 37
Chapitre 1 L’Amour donne du temps au temps
u te souviens femme, ou quoi ? Tous ces soucis, tous ces tracas : seulement tu as été là. On est resté fidèle l’un à l’autre. Et ainsi j’ai pu m’appuyer sur toi et toi tu t’appuyais sur moi. On a eu de la chance d’être restés ensemble, on s’est mis tous les deux à la tâche, on a duré, on a tenu le coup. Le vrai amour n’est pas ce qu’on croit. Le vrai amour n’est pas d’un jour mais de toujours. C’est de s’aider, de se comprendre. Et peu à peu on voit que tout s’arrange. Les enfants sont devenus grands. Ils ont bien tourné. On leur avait donné l’exemple. On a consolidé les assises de la maison. C’est pourquoi, mets-toi à côté de moi et puis regarde, car c’est le temps de la récolte et le temps des engrangements. Quand il fait rose comme ce soir, et une poussière rose monte partout entre les arbres. Mets-toi tout contre moi, on ne parlera pas : on n’a plus besoin de rien se dire. on n'a besoin que d’être ensemble encore une fois, et de laisser venir la nuit dans le contentement de la tâche accomplie. Charles-Ferdinand Ramuz « Le Temps des engrangements » 47 Chap. 1 • L’Amour donne du temps au temps 47
Le verbe grec employé ici par saint Paul est macrothuméō – de macro « grand, long » et thumos « volonté, désir, cœur ». Il n’y a pas de verbe en français pour exprimer l’acte d’un grand cœur débordant d’amour, qui ne cesse d’accorder à ceux qu’il aime le bénéfice du temps long. S’il s’agissait de dire ce qu’est l’amour – ses qualités – nous pourrions dire en français qu’il est persévérant, patient et longanime. Mais ici, saint Paul parle de l’Amour en personne et en action, non pas, donc, en employant des qualificatifs, mais en employant un verbe : il veut que sous ce verbe se révèle un premier trait de la personne du Verbe, en tant qu’Il est l’Amour incarné et agissant. En ce sens, la traduction pour la liturgie (AELF) propose heureusement : « L’amour prend patience. » Cependant, la patience a des limites, notamment de durée. Or, celle du Verbe d’une part supporte tout, d’autre part laisse sa chance au temps pour la conversion, le relèvement, l’amendement, la bonification, l’embellissement, la sanctification et l’élévation de ceux qu’il aime, et ce jusqu’à la fin des temps. Nous proposons donc de traduire : « L’Amour donne du temps au temps. » QUESTIONS DE TRADUCTION Ἡ ἀγάπη μακροθυμεῖ Hē agápē makrothymei L’Amour donne du temps au temps Autres traductions Vulgate : Caritas patiens est – De Sacy : La charité est patiente – Segond : La charité est patiente – Crampon : La charité est patiente – BJ : La charité est longanime Osty : L’amour est patient – TOB : L’amour prend patience – Le Semeur : L’amour est patient – AELF : L’amour prend patience – Bayard : L’amour est patience. QUELQUES DÉFINITIONS Patience Vertu de celui qui endure les contrariétés, avec modération et sans se plaindre. Attitude qui consiste à accorder paisiblement des délais à une personne qui tarde à répondre aux attentes placées en elle. Longanimité La vertu des rois. Patience avec laquelle on supporte les offenses et les fautes que pourtant on aurait le pouvoir de faire cesser et/ou de punir. Constance Persévérance à poursuivre un dessein et à le mener à bien, malgré la lenteur de sa réalisation et les difficultés qu’on y rencontre. Fidélité Consécration irrévocable à la foi donnée. Respect des promesses faites et des engagements pris. Loyauté dans la vie conjugale. Confiance Espérance ferme que l’on place en quelqu’un, certitude de sa loyauté, foi en l’avenir avec cette personne. Foi Confiance qu’inspire une personne, basée sur la certitude de sa loyauté. Assurance que l’on donne d’être fidèle à sa promesse. Chap. 1 • L’Amour donne du temps au temps 49 48 Partie III • Aimer par des actes et en vérité
Quel est donc ce premier trait qui déjà esquisse le visage de Jésus ? C’est que, à longueur de temps, avec persévérance, indulgence et miséricorde, Il n’a cessé d’aimer les siens qui sont dans le monde, jusqu’au bout. Et qu’Il ne cessera de la faire, notamment par ses disciples et en eux, jusqu’à la fin des temps. Depuis qu’Il est retourné au sein du Père, jusqu’à ce qu’Il revienne, Il nous donne tout le temps, jusqu’à la fin des temps, de le reconnaître, de nous convertir, et de voir nos dettes remises. Il nous aime « jusqu’au bout », et « jusqu’au bout » Il souffre nos incompréhensions, nos stratégies pour agir en tout ou en partie comme si nous ne l’avions pas bien entendu ou compris, nos reniements, nos trahisons, Lui ne se déprenant jamais de son Amour inconditionnel pour nous. S’aimer les uns les autres comme Jésus nous a aimés, c’est donc, entre autres, ne cesser de s’offrir mutuellement du temps : le temps de réussir à s’aimer ; le temps de laisser l’autre et notre relation avec lui s’édifier, s’améliorer, se parfaire, se restaurer, L’AMOUR du auTEMPS TEMPS DONNE 50 Partie III • Aimer par des actes et en vérité
se reconstruire, s’accomplir. Mais aussi le temps de ne pas tenir rigueur des imperfections, des erreurs et des fautes, mais de les souffrir dans la durée, jusqu’à atteindre, s’il le faut, ce sommet de l’imitation de Jésus Christ qu’est l’amour des ennemis. Et encore, autant que faire se peut, Dieu aidant, le temps de corriger et de réparer les effets délétères de nos limites et de celles des autres. Et, bien sûr, toujours, le temps qu’il faut pour pardonner du fond du cœur et pour se faire pardonner. Jusqu’à la preuve suprême de l’Amour Cet engagement à laisser du temps au temps signifie plus prosaïquement aimer les autres en leur consacrant tout le temps qu’il faut dans l’humilité quotidienne de la vie ordinaire, tant il est vrai que la première charité à faire à notre prochain, c’est de lui donner des raisons de croire qu’il a de la valeur à nos yeux, qu’il nous est cher. Cependant, trouver du temps à donner est un combat de tous les instants, sur un champ de bataille où la désertion se nomme divertissement, et où, trop souvent, en tuant le temps, c’est l’Amour qu’on assassine peu à peu. Saint Paul nous dit que, sur « la voie par excellence », notre amour doit avoir foi en l’espérance qu’il suscite. Donc s’accorder le temps que Dieu lui accorde pour, du mieux qu’il peut et grâce à Dieu, aimer d’un amour digne d’être élevé au rang d’Amour divin. Cet engagement, qui caractérise l’Amour divin, de continuer d’aimer envers et contre tout, alors même que notre amour est souvent bien imparfait et que les autres peuvent y répondre de manière insatisfaisante ou dommageable – ou même y répondre par la haine –, cet engagement de donner du temps au temps n’est pas passivité, ni résignation, mais une force intérieure qui permet à l’Amour de grandir et de mûrir, jusqu’à être capable de donner la preuve suprême de l’Amour : donner sa vie pour ceux qu’on aime, y compris s’il le faut pour ses persécuteurs. « Que le Seigneur incline vos cœurs à faire preuve de l’amour de Dieu et de la patience du Christ. » (2 Th 3, 5) eureusement, de nos jours on choisit de se marier parce qu’on s’aime, il n’en demeure pas moins qu’on s’est mariés pour s’aimer. Tomber amoureux peut être rapide, voire instantané, mais savoir vivre ensemble en s’aimant à plein temps demande du temps, ne serait-ce que pour s’ajuster l’un à l’autre, parce qu’on est différents et parce que l’un et l’autre ne vont pas cesser de changer au long cours du temps. S’ajuster aussi à quelqu’un qui va se révéler avec le temps bien différent de la personne qu’en fait, inconsciemment, on avait idéalisée. Et, il faut bien en avoir conscience, il va falloir faire fonctionner ensemble, par amour, deux personnes qui ont chacune leurs faiblesses, leurs imperfections et leurs limites. Le jour du mariage, la relation d’amour est certes une magnifique promesse d’avenir, mais, cette promesse, il lui reste à être élevée, bien élevée, pour être tenue dans l’avenir, tout le temps Lʼamour donne du temps au temps et jusqu’au bout. Vivre d’amour, l’un avec l’autre, l’un pour l’autre, va donc consister en une édification mutuelle qui va épouser le temps. Une question d’espérance Pour réussir son mariage et y être profondément heureux, il va falloir dans la durée s’en donner la peine de manière permanente et suivie. Fondamentalement, ce n’est pas une question de patience, mais d’espérance. Une espérance fondée sur la foi que les deux époux se sont jurée. Or, la foi que les deux époux se sont donnée, par amour et pour l’amour, ne va rester vivante que si elle ne cesse de s’incarner par leur confiance et par leur fidélité. La fidélité étant la réponse de l’un à la confiance de l’autre, et réciproquement. Espérer – « d’une espérance qui ne déçoit pas » – l’accomplissement plénier des promesses de l’Amour dans le mariage, c’est donner à ces promesses tout l’investissement et le temps nécessaires, jusqu’au bout, pour qu’elles portent leur fruit. FAIRE DE LA VIE CONJUGALE, UN HYMNE À L’AMOUR 52 Partie III • Aimer par des actes et en vérité
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